Ursula-andthe-Dude

LA TERREUR DE VIVRE

Dimanche 17 novembre 2013 à 22:24

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Dans la voiture, ses cuisses allées sur le siège passager, ses mains sur le tableau de bord, ses ongles coupés droit, les cheveux blonds pêle-mêle autour de sa figure. Elle sent le Soleil, la plage. Le miel et le thé. A l'ombre d'un arbre du parking, elle m'attend en jouant avec un sac en osier à ses pieds. En montant, j'ai le réflexe de glisser ma main sur cette peau ambrée. Elle tourne vers moi ses énormes yeux bleus, soulignés par sa peau bronzée, presque brune. Quand elle me regarde j'ai l'impression de tomber dans un syphon: j'ai peur de me noyer. Je retire ma main, l'air penaud, elle retourne au paysage. Silence. Silence aussi me fait peur, tout me faire peur. Clé de contact. Vroum. Les yeux fixes, elle regarde la baie sans broncher, sa bouche rose descend un peu plus vers le bas kilomètre après kilomètre, je sens mon estomac qui se tord, mes pleurs qui montent. Je roule vers ma vie qui s'effondre alors je pile sans prévenir dans une rue vide. J'espère qu'elle va pas se mettre en crier, qu'elle va juste garder avec cet air étonné, prête à être méchante. Je fonds sur elle, je lui prend les mains avec un visage dégoulinant, les intestins dans le pantalon. C'est pas que j'ai des poèmes sur la bouche, juste des excuses, des explications, des histoires d'amour qui ont foiré, d'autres qui sont mortes tout de suite, au fond de mon ventre, tellement de choses qui ont sonné faux qu'il faudrait lui expliquer. J'ai besoin de lui expliquer que je suis désolé, que si je serre ses mains aussi fort c'est que je sais que je l'ai déjà dit et qu'on est fatigué de m'entendre répéter. Je cherche les mots pour lui dire comment tout ça c'est trop gros pour mes organes rétrécis, que j'aimerai que ça s'agrandisse plus vite mais si je tire dessus j'ai mal à plus pouvoir rester. Moi je veux rester. Je sais que je suis en train de fuir. Des petits cris sourds sortent de ma bouche. J'ai l'air d'un veau qui cherche sa mère à l'abattoir. J'attends qu'elle me dise qu'elle en a assez de mes mais, que si j'étais heureux j'avais qu'à l'accepter et arrêter de faire chier. "T'as pas envie de m'aimer ? T'es pas heureux peut-être?" Je dodeline de la tête pour dire que si, mais si, bien sûr que si. J'ai juste pas l'habitude, il faudrait me rassurer avec des mots nouveaux tous les jours, avec des choses impossibles et des scènes de film. J'ai beau m'en vouloir, je peux pas demander autre chose. Si, peut être, du temps, des montagnes russes et deux coeurs accrochés comme des ongles enfoncés dans une peau encore toute jeune. Je sais qu'un jour je serais heureux, pleinement heureux, promis.

" C'est pas ma faute si on t'a jamais appris qu'à être heureux. C'est pas mon problème si tu sais pas comment on fait. Tu veux pas apprendre, tu sais pas apprendre."

J'ai peur qu'elle quitte la voiture, j'ai peur qu'elle perde patience. J'attrape son cou, j'attrape sa cuisse, j'attrape sa bouche, avant qu'elle mette la main sur la  portière parce que, j'ai peur de mourir. 

Dimanche 17 février 2013 à 21:27


Enlacés dans la cuisine j'avais l'impression qu'on était deux gosses qui se cachaient pour faire des cochonneries, comme une ambiance de roman de Colette dans la cuisine. Moi saoule, lui toujours avec son manteau à me regarder avec un sourire drôle. On attendait de pouvoir aller sur le balcon rien que tous les deux alors on restait rien que tous les deux dans la cuisine. La pizza cuisait, j'avais les fesses sur le four. A un moment il m'a dit qu'il avait très chaud à la main. J'ai sourit, parce que ça aussi c'était drôle. C'était drôle comme nous, comme la situation, pas drôle comme une bonne blague entre copains, drôle comme cette boule qu'on a dans le ventre, des fois, quand le bonheur se noue quelque part entre le diaphragme et l'entrejambe. J'ai pensé à l'image qu'on renvoyait, au couple qu'on formait, il m'a entendu rigolé et j'ai fait passé ça pour de l'ébriété. C'est vrai qu'on était un peu étranges, un peu déparaillés mais ça nous rendait chouette, comme un tour de magie improbable. Moi et mon côté de Valkyrie un peu grasse, lui et son air de petit garçon. On a parlé un peu, j'ai un peu oublié, comme des gosses encore on a commencé à parler des gens qui traînaient sur le canapé blanc, des gens qui dansaient sur du rock, des gens qui ne parlaient pas, des gens qui fumaient, je lui ai raconté plein d'histoires, j'ai fait des grosses démonstrations et lui il me regardait toujours avec ce drôle de sourire, à la fois en coin et jusqu'aux oreilles. Pour s'occuper on a commencé à s'embrasser, on est parti du four parce que j'avais peur de me faire mal, d'appuyer sur le bouton qu'il ne fallait pas toucher, d'interrompre notre conversation. J'avais un peu peur qu'on nous surprenne, comme s'il y avait quelque chose de neuf à surprendre. Une fille nous a interrompu pour nous dire au revoir, une autre pour nous faire une blague, j'ai sourit pour jouer le jeu, les mains crispées sur le col de son manteau, comme un "tu perds rien pour attendre". Quand tout le monde est parti on a filé sur le balcon fumer des cigarettes en continu. Fumer prenait une nouvelle dimension pour moi, ce n'était plus ce plaisir égoïste, privilégié: on fumait ensemble et j'y voyais une sorte de complicité étrange. Ils ont passé KISS, on a recommencé à s'embrasser et à force de désir, de le regarder sourire avec les yeux et cet air tranquille. L'amour comme un vertige. J'ai profité de mon verre trop chargé pour vider mon sac pour de vrai. Le bout des lèvres, les regards idiots, j'en avais assez de tout ça. Je voulais tout lui dire, sans détours, sans états d'âme, je voulais plus rigoler. Entre le calme du quartier et le bruit à l'intérieur, on était à une frontière du monde. Je nous sentais empereurs de ce lieu caché, céleste. J'avais l'impression que le monde entier nous regardait, qu'on projetait ma vie sur écran géant. C'était bizarre de vivre et de voir sa vie à la fois, de connaître le scénar et de trembler comme un spectateur. La peur au ventre et parce qu'ils passaient KISS j'ai fini par tout lui déballer: l'amour, l'absolu, la peur, les règles, l'excès de règles. J'ai bafouillé dans le col de sa veste et il m'a passé la main dans les cheveux en rigolant comme à chaque fois que je fais une montagne d'un rien. Dans sa bouche tout était incroyablement évident, tellement évident qu'il n'y avait pas besoin de le dire. L'amour était déjà là et l'absolu ça ne lui faisait pas peur vu qu'il savait même pas ce que c'était. J'ai essayé de lui dire qu'avec moi il sautait dedans à pieds joints mais il avait l'air de s'en foutre, tout simplement. Quand j'ai vu son regard tranquille parcourir la ville vide, la ville triste, la ville seule, l'absolu n'était plus une exigence, un insupportable poids qui me coulait depuis 20 ans et qui détruisait mon existence. L'absolu était une évidence, un atout, un bonus, une force de vivre qui me définissait sans que ça pose problème. Les souffrances, la honte, le passé, se sont dissout d'un coup, comme de trop sur cet entredeux céleste, entre la cacophonie et la mort, là où l'amour inondait le sol, brûlait l'air et les êtres. On était drôles, foutrement drôles, avec notre aspect un peu bancal et nos physiques impossibles, comme la chimère régnant sur cet entredeux. Aimer ne faisait plus peur, aimer c'était simple, c'était joyeux. Aimer n'était plus un problème, enfin. Du coup j'ai vomi mon bonheur sur le monde, j'ai jeté de l'amour à tout va et j'ai mis mes pieds dans la fontaine en Février. Tout ça l'a fait aussi marrer, même quand je suis rentrée pieds nus et bourrée. Parfois c'est vrai que j'ai peur, un tout petit peu peur, parce qu'on dirait qu'il pourrait arrêter de m'aimer demain matin alors, entre 3h et 5h du mat', quand j'ai failli lui demander si je pouvais voir en lui une éternité, si cette projection avait du sens mais j'ai préféré le laisser m'embrasser.

Avec de la chance ça s'arrêtera jamais. 
 

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