Ursula-andthe-Dude

LA TERREUR DE VIVRE

Mardi 17 avril 2012 à 17:37


http://ursula-andthe-dude.cowblog.fr/images/Viandansant.jpg Ca faisait quelques jours que je lui avais pris cette petite maison au bord de la mer. On entendait le bruit des vagues par la fenêtre et un vent frais et chaud à la fois passait par les fenêtres. Je savais qu'elle aimait ce genre d'endroit. Le lit était blanc, double, largement pourvu en coussins divers et un couvre-lit bleu ciel très clair décorait une couette moelleuse et blanche. J'aimais regarder son corps brun se rouler dans ces draps blancs, je trouvais qu'on y voyait mieux cette peau si chaude à l'odeur de miel, de sable et de fer, ses cheveux tout blonds et ses grands yeux bleus, parfaitement bleus. J'aimais y trouver le grand frisson: à chaque fois que j'y jetais un oeil, tout mon corps était parcouru d'un frisson délicieux qu'elle essayait d'enlever avec des grandes mains brûlantes. Je ne lui disait jamais que ce n'était pas parce que j'avais froid, j'aimais ce petit air inquiet qu'elle prenait, ses douces frictions qu'elle voulait vigoureuses. J'étais amoureux alors je lui avait offert cette semaine au bord de la mer, quelque part dans le Sud, dans un petit coin de paradis où on m'emmenait quand j'étais gosse. Je voulais qu'elle voit ce domaine où on entre que sur présentation de son titre de location ou de propriété, hors du temps, hors du monde, loin des autres. J'avais l'impression qu'ici il n'y avait ni tristesse, ni colère, comme si le coeur en entrant ici se lavait, comme si la mer charriait la haine loin de ses invités et la jetait quelque part dans l'océan. Je trouvais des mots d'amour dans l'écume, des cadeaux magiques dans les rochers, les journées illuminés, sous la lumière jaune d'un vrai soleil, et les nuits noires, très noires, avec juste les étoiles pour lampadaire. Je me sentais fils de cette terre idyllique dont je connaissais les moindres pierres, les moindres reflets de Soleil et les ports voisins. 

Dimanche 22 janvier 2012 à 22:12


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Le jour où Carolina m'a quitté je n'ai pas tout de suite compris ni pourquoi ni comment elle avait réussit. Elle m'avait donné rendez-vous au café comme on ne l'avait pas fait depuis longtemps, j'avais d'ailleurs trouvé ça assez étrange vu que nous habitons ensemble. Je suis arrivé, elle était belle comme elle ne l'avait jamais été : sans sourire, sans amour, le regard strict, ennuyé, pas une pointe d'attirance, même pas un petite envie. Ses yeux étaient passés d'un joli noisette à un marron cochon, ce qui d'ailleurs ne lui allait pas mal. J'avançais sans vraiment savoir si c'était Carolina que j'allais voir. Quand je me suis assis, je me suis commandé un café parce que je n'avais pas d'idées et après je me suis tourné vers elle. Elle a posé ses mains sur la table, elle m'a regardé avec ses nouveaux yeux et m'a fait: "Alphonse, c'est fini, j'en ai marre, je me casse. Mon mec est en train de prendre mes affaires dans l'appart'. Salut." Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir le réflexe bête: je ne suis pas en train de déménager ses affaires. Trop facile. Je l'ai regardée un peu interdit, ma lèvre inférieure a du tomber parce que le serveur m'a fait ce petit sourire que le tertiaire aime faire quand il a accès à un bout de sa vie qu'il ne doit absolument pas connaître en me posant mon café. Au début je n'ai rien dit, pour me rappeler qui j'étais, où, avec qui, pourquoi. J'ai balbutié un pauvre "D'accord. Salut." pour que son petit air supérieur cesse. Je sentais bien qu'elle cherchait en moi un déchirement, qu'elle attendait les cris et les larmes que l'homme viril que j'étais contenait en public. Je crois qu'elle voulait aussi une scène de film à raconter à ses copines genre : "Alors tu vois à un moment je lui ai dit et il est devenu comme fou! J'ai cru qu'il allait me tuer. Ah mais si si! Je-te-jure!! Blablablablabla." Mon silence l'a fait chier alors elle a essayé de retourner le couteau dans la plaie en me racontant que son mec c'était mon meilleur pote, que tout le monde le savait, qu'on se foutait bien de ma gueule dans la bande, que j'étais un sale cocu, que j'avais jamais été bon au lit, que j'étais sûrement impuissant et que j'avais toujours été un homme au foyer bien médiocre. Je savais que c'était pas vrai, d'abord parce que mon meilleur ami a pris une mine avec moi hier et qu'il m'a expliqué en larmes qu'il était gay et qu'il avait qu'une envie c'est de se taper son voisin d'en face. En plus, on avait pas de bande et je me foutais d'être cocu, impuissant ou mauvaise ménagère. D'un coup, elle s'est mise à pleurer en me traitant de tous les noms, comme quoi j'étais qu'un salaud qui en avait rien à foutre de toutes ces années passées ensemble, de toutes les épreuves traversées, de tout ce qu'elle avait fait pour moi. Pour qu'elle arrête de me rappeler à quel point, effectivement, elle m'avait tenu la tête hors de l'eau par les cheveux, j'ai hasardé: "C'est qui en fait, ton mec? Non parce que j'ai oublié de te dire mais Luc m'a dit hier qu'il était gay." Ca aussi ça l'a énervée, j'avais l'impression d'être dans un épisode d'une de ces mauvaises séries que je regardais avec ma grand-mère quand j'étais môme. Dans un flot d'insultes j'ai cru comprendre que c'était quelqu'un que je connaissais plus ou moins, que j'avais du apercevoir au taff ou en soirée, j'ai pas bien compris. A un moment j'ai même cru que c'était une meuf. Après m'avoir "craché" le nom elle m'a regardé avec cet air de vierge effarouchée qu'ont toutes les filles vexées d'avoir rater leur scène, elle a pris son sac et elle est partie sans me mettre de baffe. Je n'ai pas essayé de la retenir, je me suis dit qu'elle allait me rappeler pour que je lui rembourse sa part du loyer de ce mois, que je lui rendes une culotte que j'avais évidement gardé contre mon coeur tous les soirs depuis son départ, que sais-je encore. Je me suis dit qu'elle était allée aider son mec alors je suis resté assis en terrasse et j'ai commencé à me fumer une clope. J'avais arrêté depuis 5 ans, pour elle, pour qu'on puisse vivre ensemble. C'est vrai que 3 ans d'amitié ambiguë, 7 ans de relation dont 5 ans de vie commune, ça faisait quand même dix ans l'un sur l'autre. Je me demandais comment j'avais pu passé 10 ans avec une fille qui s'appelait Carolina et comment elle avait fait pour rester avec un mec qui s'appelait Alphonse. Carolina et Alphonse. C'était vraiment une grosse blague en fait. J'avais passé dix ans à faire une grosse blague à tout le monde avec une meuf moche et conne qui s'appelle Carolina et qui a pas dépassé la licence de psycho et les casting La Redoute. 

Vendredi 20 janvier 2012 à 22:09


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Allongée sur le lit, dans la moiteur et le silence d'une sieste dominicale, June attendait que Léon se réveille en suivant des yeux les quelques rayons qui passaient à travers les volets. C'étaient des rayons d'hiver, sans couleur, sans chaleur, des fuseaux de lumières translucides qui brûlaient les yeux et glaçaient le corps. Pendant ces après-midi perdues, Léon avait l'habitude de poser sa main sur la taille de June. Dans ce creux suave, il nichait sa grosse main d'homme qu'il refermait avec une pression involontairement brutale. Les doigts étaient légèrement écartés sur le ventre pour laisser plus de place à la paume sur la plaine que formait cette taille entre la courbure de ses fesses et la fadeur de ses côtes. Il y avait là tout un monde de volupté, une étendue fraiche, jeune, à la fois généreuse et ferme, qui appelait les caresses de toutes les mains du monde, les étreintes de tous bras qui avaient pu exister. La taille de June semblait pouvoir donner la vie et la reprendre, on pouvait y chuchoter tous les désirs, tous les amours. C'était un boudoir de sensualité, une alcôve, un abris. Léon y fermait une main égoïste, avide de tous les bienfaits que pouvait lui apporter ce corps rien qu'avec cette taille qu'il serrait avec un bras en public, avec les deux en privé. Il chérissait ce creux car c'était grâce à lui qu'il possédait la chair adorée, qu'il l'amenait plus près, comme un trésor au fond d'une grotte de montagne.
June sentait tous les desseins de son amant dans les mouvements de cette main qui se resserrait comme une tenaille,  les doigts s'enfonçant dans son ventre souple. C'était comme un sceau que Léon essayait de graver sur sa taille. Comme sur les esclaves, il tentait de brûler sa chair pour y laisser ses empreintes.

Dimanche 30 octobre 2011 à 20:17

Il sentait ses mains courir sur son dos, fiévreuses, griffues, comme des serres qui arrachaient sa peau. Peut-être l'ouvrait-elle pour mieux lui dévorer la chair: sa peau semblait un obstacle à ses baisers, à sa fougue, à son désir.
En lui parlant pour la première fois, en prenant son numéro, en lui courant après pendant des mois pour une raison qu'il ignorait encore, en la ramenant chez lui un mardi après-midi comme un autre, en lui servant son verre, en la regardant partir vers la chambre, il avait toujours penser que faire l'amour à cette fille, ça serait comme palper un courant d'air. Ses grands cheveux bruns tout lisses faisaient autour de son visage un peu brillant de sueur comme une forêt maléfique qui attire des visiteurs pour les dévorés. Dans les arabesques compliquées de sa chevelure luisante, il distinguait les branches, les ronces et les fleurs venimeuses qui s'approchaient de lui et caressaient son visage avec une tendresse malsaine. Contre elle, il se sentait asservi et embrassait pieusement tout son corps, de ses épaules à son ventre, avec la même délicatesse que celle d'un prêtre embrassant les pieds de sa déesse.  Son souffle à chaque caresse semblait annoncer l'évaporation de tout son être. A chaque action, il avait peur de la tuer, de la faire sauter un peu trop fort. En entrant surtout, il eu peur de l'a cassée tant elle se tordait. D'ailleurs, il avait peur de regarder leurs bas-ventres collés l'un à l'autre, il avait peur que le sien disparaisse, il avait de se rendre compte qu'il tapait dans le vide, que le claquement de ces deux chairs n'étaient que l'effet des draps qui irritaient sa peau fragile et que la sensation chaude et moite qui entourait son sexe n'était qu'un mirage, un délicieux mirage, comme le goût de l'eau dans la gorge quand on a soif comme on a jamais eu soif. Il préférait regarder son visage, triste et hystérique tout à la fois, ce visage pâle qui faisait presque peur dans le noir. Il regardait le sang monté à ses joues, rougir cette nacre aux contours un peu poussiéreux, un nacre qui vieillerait mal. Il savait qu'elle était comme un coquelicot: maintenant cueillie, il allait regarder sa beauté mourir en un jour. Mais il avait soif comme il n'avait jamais eu soif et c'était une source, sa source. Il aimait embrasser cette chair, il s'y sentait accueilli, incroyablement aimé. Par elle, en elle, il passait du garçon à l'homme, ce n'était pas sa première fois mais sa première sauterie n'avait pas impulser sa métamorphose: il devenait un homme, celui d'une fille qui l'aimait, qu'il aimerait aussi. 

Mercredi 28 septembre 2011 à 10:50


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C'est le genre de pièce dans laquelle le lit tient une place centrale non seulement par sa position mais aussi pour les propriétaires. On y fait tout. On y mange, on y dort, on y fume, on y parle, on y joue aux cartes, dans un silence morne, épuisé par la chaleur et l'ennui. La ville, à la fenêtre, crache, sue, des chats maigres se trainent dans la cour intérieure et des enfants leur jètent des bouts de pains, des os, des restes immangeables au lieu d'aller à l'école parce que l'école, c'est nul. Toute la journée, je reste sur ce lit, seule et triste, allongée, tripotant mes mains, agitant un livre sous mes yeux de temps en temps, pour avoir l'impression de faire quelque chose. J'essaye aussi de lire pour ne pas oublier. Oublier ce que j'étais, ce que j'ai appris avant d'être ici. Je fais quelque chose pour me rappeler que je suis ici, seule et triste, épuisée par la chaleur et l'ennui, dans cette ville qui crache et qui sue où des chats maigres marchent dans la cour intérieure avec des gamins qui leur jètent des ordures. Oui, des fois, je n'ai plus envie d'oublier, je me sens le courage de m'affronter, moi et mon échec. Mais mon courage, ma seule arme, est un voile léger qui se déchire à la moindre brise alors je lâche le livre bien vite et coule contre les oreillers pour croire à une illusion douce et moelleuse et non à une perte de temps insupportable qui me met en cage, envahit mon corps. La chambre est blanche, le sol carrelé, les armoires d'un joli vert d'eau et le matelas mauvais. Je m'y lamente toute la journée, geignant sur la mauvaise qualité des draps, la petitesse du miroir au-dessus du lavabo. J'y ai froid comme on a froid au fond du ventre en plein milieu du mois de Juillet. J'y suis une fille, une fille qui attend sur le lit, sans rien y faire, sans rien y dire. Il y a une seule fenêtre avec un petit balcon que je laisse toujours ouverte. Parfois, je pense à aller m'appuyer contre le rambarde, pour prendre l'air et le soleil, dorée ma peau qui doucement, inexorablement, se décolore à la lumière des néons blafards de la pièce, mais je ne bouge pas. Les conversations des grosses femmes, dans un espagnol argotique que je ne comprend pas, me parviennent et me rappellent leurs costumes, ces grandes jupes bariolées en tissu épais, vulgaire. J'aimerai avoir une grosse voix comme elles, des colères comme elles, la rage de vivre comme elles, j'en rêve dans mon peignoir en polyester noir, dans un soupir résigné. Je suis comme un chat, un gros chat paresseux qui ne bouge jamais. Je suis un meuble de la maison, chaud et doux, qu'on caresse en rentrant en pensant à ses soucis, en espérant trouver un peu de réconfort au creux de l'animal silencieux. 

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