Ursula-andthe-Dude

LA TERREUR DE VIVRE

Vendredi 5 septembre 2014 à 16:26

Tout le monde appelait Carolina de ce gros mot bien pompeux « la femme de ma vie » et je crois que c’était à la fois pour éviter de l’appeler « miracle » et toujours me rappeler que j’avais pas intérêt à laisser passer celle-là. C’était ma première vraie copine, la seule fille que j’avais jamais présenté à ma mère, la seule fille dont j’étais vraiment tombé amoureux, et je devais bien admettre que plusieurs fois j’avais envisagé de l’épouser.

Pour lui rendre hommage et parce je n’avais rien à faire en attendant qu’elle quitte l’appart - surtout que mon estimation restait extrêmement aléatoire- j’ai repensé à notre histoire, de notre rencontre dans les couloirs de la fac à l’heure qu’on venait de passer. Le résultat de cet assemblage me faisait penser à ces bioptics bricolés en catastrophe qu’on propose au 20h à la mort d’une célébrité.

J’ai regardé le notre en sirotant mon café et en pointant tous les mauvais moments cachés derrière les sourires jusqu’aux oreilles et les embrassades dégoulinantes des photos qu’on envoyait à Noël, qu’on accrochait dans l’appart ou qu’on publiait sur Facebook et autre Twitter. Progressivement, notre idylle se ridait et devenait une vraie histoire d’amour avec toutes ses imperfections, sa gaucherie et sa souffrance. Je ne regrettais pas ma relation et elle me paraissait toujours merveilleuse mais maintenant je la trouvais complètement absurde. Je ne comprenais plus le lien qui nous unissait tant ni l’amour fou que j’avais pu lui porter. Je m’en souvenais de cet amour, bien sûr, mais maintenant que c’était fini je ne comprenais pas ce qui chez Carolina avait pu déclenché un amour si fort : taille moyenne, intelligence moyenne, beauté moyenne. Non vraiment, je ne comprenais pas ce qui m’avait transcendé chez elle comme je ne comprenais pas non plus ce qui l’avait affolée chez moi qui est tout aussi landa qu’elle si ce n’est pire : moi, je n’étais même pas bien habillé. Non vraiment, on était deux jeunes adultes banals qui avaient vécu une histoire d’amour banale qui elle-même s’était finie de façon tout aussi banale.

Je n’avais pas le sentiment d’avoir vécu un truc comme on en voit dans les films, d’avoir été ce genre de couple que tous les potes prennent en exemple genre « Si vous deux ça s’arrête, moi je ne crois plus en l’amour. Non mais sérieux hein. » mais c’était comme si j’avais étiré un état de fait confortable, parce qu’il y avait pas de raisons que ça s’arrête. On était resté amoureux par confort, par paresse, un peu comme ces couples mariés et parents trop tôt qui vieillissent ensemble d’abord pour les enfants, ensuite parce que les histoires de famille ça rapproche et finalement parce qu’on ne divorce pas à 70 ans, c’est trop fatiguant, ça fait tellement série américaine et puis autant pas mourir seul.

 

Je découvrais aussi qu’au final je décrivais notre histoire avec la même banalité que celle de notre rupture et ce qui me faisait tiqué, c’était la rapidité avec laquelle je laissais partir cette histoire, avec quelle brutalité j’avais admis le désamour, le départ. Sans chagrin, sans pincement, elle était partie et puis c’était tout. Je savais qu’elle avait existé, évidemment qu’elle avait existé, mais elle semblait à des années lumières de mon propre existence. Ca faisait pas 1h que j’étais célibataire que je me sentais déjà seul depuis des siècles sans que ça me pose d’ailleurs le moindre problème.

J’ai fini ma clope, j’ai avalé mon café froid avec une grimace, j’ai payé et je suis parti les mains dans les poches, l’air morne, sans but: j’avais l’impression de me remettre à fonctionner comme le jeune adulte à la fois lourdaud et péteux que j’étais en rentrant à la fac. J’ai gratté ma barbe de trois jours en baillant pendant que je marchais en jouant avec mes clés dans ma poche.

Comme pour sublimer l’absurdité de ma situation, je me suis assis sur le banc de la voisine du 6ème pour regarder les pigeons picorer les dernières miettes du pain qu’elle leur avait émietté dans la matinée et, entre deux comparaisons entre ma vie et celle du pigeon boiteux qui lorgnait sur ma chaussure en se demandant s’il y avait encore trois miettes cachées et surtout s’il fallait aller les chercher, j’ai repensé à tous ces potes que j’avais récupérés après une rupture dite « difficile ». Il y a les murges post-rupture, les soirées qui auraient pu faire les trois pages reportage de BIBA avec le titre « Ces hommes qui assument leur part de féminité » pendant lesquelles on bouffe tout ce qui peut exister de gras et de réconfortant en criant « TOUTES DES SALOPES » entre deux rots de bières ou deux éclats de rire ivre et en écoutant l’unique fille qu’on accepte dans le cercle déblatérer ces généralités réconfortantes sur le couple ou « la Femme », les weekends où le dit pote perd toute dignité en slip dans mon canapé ou encore les moments beaucoup plus « matures » où  il m’explique avec philosophie entre deux taffs et deux pintes que « c’est la vie et qu’il faut l’accepter. » et qui finissent toujours en murge post-rupture.

Même si je n’arrivais pas à me décider entre BIBA et l’agreeg de philo, ce qui me préoccupait le plus pour le moment c’était ce que ces mecs avaient bien pu faire et surtout ressentir entre le « tout est fini » et le vomi sur mon lino, ce moment monstrueux de solitude dans lequel je pataugeais allégrement là, tout de suite, et franchement je ne voyais rien d’autre que ce banc, l’air torve de ce pigeon et mes mains dans mes poches. Peut-être que je devais pleurer, que je devais sentir mon cœur explosé mais ça ne venait toujours pas.

Je repensais à mon collègue Jean qui avait chialé à longueur de journée pendant trois mois après sa rupture avec la comptable du deuxième et surtout au sentiment de malaise que j’avais eu pendant tout ce temps : ça avait été comme si je regardais ce qui m’attendait si je me faisais planté par Carolina. La morve, les yeux rougis, les cernes jusqu’aux chevilles, tout ça m’avait parlé, m’avait touché comme une maladie que je voulais jamais avoir mais maintenant que je l’avais attrapé, je ne ressentais rien d’autre que le vide, comme un gouffre au fond de mon ventre qui aspirait tout mon être par suçions lentes, douloureuses, nauséeuses.   

Dimanche 17 novembre 2013 à 22:24

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Dans la voiture, ses cuisses allées sur le siège passager, ses mains sur le tableau de bord, ses ongles coupés droit, les cheveux blonds pêle-mêle autour de sa figure. Elle sent le Soleil, la plage. Le miel et le thé. A l'ombre d'un arbre du parking, elle m'attend en jouant avec un sac en osier à ses pieds. En montant, j'ai le réflexe de glisser ma main sur cette peau ambrée. Elle tourne vers moi ses énormes yeux bleus, soulignés par sa peau bronzée, presque brune. Quand elle me regarde j'ai l'impression de tomber dans un syphon: j'ai peur de me noyer. Je retire ma main, l'air penaud, elle retourne au paysage. Silence. Silence aussi me fait peur, tout me faire peur. Clé de contact. Vroum. Les yeux fixes, elle regarde la baie sans broncher, sa bouche rose descend un peu plus vers le bas kilomètre après kilomètre, je sens mon estomac qui se tord, mes pleurs qui montent. Je roule vers ma vie qui s'effondre alors je pile sans prévenir dans une rue vide. J'espère qu'elle va pas se mettre en crier, qu'elle va juste garder avec cet air étonné, prête à être méchante. Je fonds sur elle, je lui prend les mains avec un visage dégoulinant, les intestins dans le pantalon. C'est pas que j'ai des poèmes sur la bouche, juste des excuses, des explications, des histoires d'amour qui ont foiré, d'autres qui sont mortes tout de suite, au fond de mon ventre, tellement de choses qui ont sonné faux qu'il faudrait lui expliquer. J'ai besoin de lui expliquer que je suis désolé, que si je serre ses mains aussi fort c'est que je sais que je l'ai déjà dit et qu'on est fatigué de m'entendre répéter. Je cherche les mots pour lui dire comment tout ça c'est trop gros pour mes organes rétrécis, que j'aimerai que ça s'agrandisse plus vite mais si je tire dessus j'ai mal à plus pouvoir rester. Moi je veux rester. Je sais que je suis en train de fuir. Des petits cris sourds sortent de ma bouche. J'ai l'air d'un veau qui cherche sa mère à l'abattoir. J'attends qu'elle me dise qu'elle en a assez de mes mais, que si j'étais heureux j'avais qu'à l'accepter et arrêter de faire chier. "T'as pas envie de m'aimer ? T'es pas heureux peut-être?" Je dodeline de la tête pour dire que si, mais si, bien sûr que si. J'ai juste pas l'habitude, il faudrait me rassurer avec des mots nouveaux tous les jours, avec des choses impossibles et des scènes de film. J'ai beau m'en vouloir, je peux pas demander autre chose. Si, peut être, du temps, des montagnes russes et deux coeurs accrochés comme des ongles enfoncés dans une peau encore toute jeune. Je sais qu'un jour je serais heureux, pleinement heureux, promis.

" C'est pas ma faute si on t'a jamais appris qu'à être heureux. C'est pas mon problème si tu sais pas comment on fait. Tu veux pas apprendre, tu sais pas apprendre."

J'ai peur qu'elle quitte la voiture, j'ai peur qu'elle perde patience. J'attrape son cou, j'attrape sa cuisse, j'attrape sa bouche, avant qu'elle mette la main sur la  portière parce que, j'ai peur de mourir. 

Mardi 17 septembre 2013 à 23:39


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Je découvrais aussi qu’au final je décrivais notre histoire avec la même banalité que celle de notre rupture. J’ai fini ma clope, j’ai avalé mon café froid avec une grimace, j’ai payé et je suis parti les mains dans les poches, l’air morne, sans but: j’avais l’impression de me remettre à fonctionner comme le jeune adulte à la fois lourdaud et péteux que j’étais en rentrant à la fac. J’ai gratté ma barbe de trois jours en baillant pendant que je marchais en jouant avec mes clés dans ma poche.
Comme pour sublimer l’absurdité de ma situation, je me suis assis sur le banc de la voisine du 6ème pour regarder les pigeons picorer les dernières miettes du pain qu’elle leur avait émietté dans la matinée et, entre deux comparaisons entre ma vie et celle du pigeon boiteux qui lorgnait sur ma chaussure en se demandant s’il y avait encore trois miettes cachées et surtout s’il fallait aller les chercher, j’ai repensé à tous ces potes que j’avais récupérés après une rupture dite « difficile ». Il y a les murges post-rupture, les soirées qui auraient pu faire les trois pages reportage de BIBA avec le titre « Ces hommes qui assument leur part de féminité » pendant lesquelles on bouffe tout ce qui peut exister de gras et de réconfortant en criant « TOUTES DES SALOPES » entre deux rots de bières ou deux éclats de rire ivre et en écoutant l’unique fille qu’on accepte dans le cercle déblatérer ces généralités réconfortantes sur le couple ou « la Femme », les weekends où le dit pote perd toute dignité en slip dans mon canapé ou encore les moments beaucoup plus « matures » où  il m’explique avec philosophie entre deux taffs et deux pintes que « c’est la vie et qu’il faut l’accepter. » et qui finissent toujours en murge post-rupture.
Même si je n’arrivais pas à me décider entre BIBA et l’agreeg de philo, ce qui me préoccupait le plus pour le moment c’était ce que ces mecs avaient bien pu faire et surtout ressentir entre le « tout est fini » et le vomi sur mon lino, ce moment monstrueux de solitude dans lequel je pataugeais allégrement là, tout de suite, et franchement je ne voyais rien d’autre que ce banc, l’air torve de ce pigeon et mes mains dans mes poches. Peut-être que je devais pleurer, que je devais sentir mon cœur explosé mais ça ne venait toujours pas. Je repensais à mon collègue Jean qui avait chialé à longueur de journée pendant trois mois après sa rupture avec la comptable du deuxième et surtout au sentiment de malaise que j’avais eu pendant tout ce temps : ça avait été comme si je regardais ce qui m’attendait si je me faisais planté par Carolina. La morve, les yeux rougis, les cernes jusqu’aux chevilles, tout ça m’avait parlé, m’avait touché comme une maladie que je voulais jamais avoir mais maintenant que je l’avais attrapé, je ne ressentais rien d’autre que le vide, comme un gouffre au fond de mon ventre qui aspirait tout mon être par suçions lentes, douloureuses, nauséeuses.
Pour me réconforter, j’ai appelé ma super copine qui sortait de psycho pour écouter que j’étais dans le déni et que le vide était ma souffrance parce que oui, je voulais croire qu’il y avait une souffrance, que merde j’étais pas un connard désabusé, encore moins un héro de telenovelas dur et sans cœur ou « le mec détaché » dans la rubrique «On a décortiqué les hommes rien que pour vous ! » dans ce BIBA décidemment spécial Hommes : couples et ruptures. Répondeur. Un répondeur de psy : la voix douce, calme, incroyablement rassurante. J’ai laissé un message de patient qui débute : embrouillé, hésitant, bourré de blancs et de « euh », je crois que j’ai même donné mon nom de famille et j’ai conclu par le légendaire: « De toute manière je vais te laisser un texto que tu liras avant d’entendre ce message. ». J’ai raccroché, j’ai envoyé un texto sommaire expliquant la situation et j’ai remis mes mains dans mes poches. 
J’ai hésité à parler au pote du pigeon boiteux qui avait fini par s’envoler parce que j’avais vu dans plein de films que lorsqu’il est désespéré, le héros parle toujours à un interlocuteur absurde type flingue, paire de fesses, photo ou chat. Moi je n’avais que ce pigeon sale dont les yeux vitreux rendaient un bien bel hommage à l’intelligence de son espèce. Sans avoir l’impression de prendre des postures affectées, je sentais bien que je cherchais dans tous les modèles sociaux que pouvaient véhiculer les films que j’avais vu, les bouquins que j’avais lu ou les gens que j’avais pu observé et écouté, les pensées, les mots et l’attitude adéquate dans cette situation. Je m’étais déjà fait largué une ou deux fois avant Carolina et rétrospectivement je me rendais même compte que c’était toujours moi qui s’était fait largué mais jusque là ça avait été des histoire sans importances, des amourettes de vacances ou des relations qui se finissaient d’elle-même parce qu’elle déménageait, parce qu’on avait plus le même groupe de rock préféré, parce qu’au final jusque là, j’avais jamais été vraiment amoureux et on ne m’avait sûrement jamais vraiment aimé. Après toutes ces histoires foirées, j’avais écouté Nirvana pendant deux heures en buvant des bières et en disant que la vie c’est de la merde avant de retourner en cours le lendemain pour pouffer en jouant à des jeux hautement intellectuels comme on en a tous eu au collège du genre « chatbite », qui tape le plus fort ou placer le mot rectum dans une question qu’on pose au prof. Et si je ne pouvais pas nier que ce vide était venu à chaque fois, je ne pouvais pas non plus dire qu’aujourd’hui il était là pour les mêmes raisons ni qu’il n’imposait pas sa présence de façon beaucoup plus pesante.
Avant, ça faisait juste chié d’être célibataire. Maintenant ça faisait même plus chié, ça faisait rien du tout. Je savais que je ne réalisais pas encore tout à fait et qu’à la seconde où j’arrêterais de regarder les pigeons, les graviers et les jupes des filles pour rentrer à l’appart je me ferai aspirer tout entier par ce grand vide et que j’aurai sûrement un peu envie de crever, quand même, pour une raison totalement absurde que je ne distinguais même pas mais lorsque je me projetais dans un avenir plus ou moins proche, je n’avais pas peur, je ne sentais pas mes jambes se transformer en papier mâché ni mes intestins se liquéfier comme j’aurai du et comme je l’avais toujours cru. Je me voyais juste continuer ma même vie monotone qui me rendait étonnement heureux mais tout seul.

 

Dimanche 23 juin 2013 à 2:24

 La vie ne devrait pas avoir de sens.

Mercredi 13 mars 2013 à 0:54

http://ursula-andthe-dude.cowblog.fr/images/SalvadorDali.jpgJ'attendais un vieux copain dans le bar. C'est un copain que j'avais pas vu depuis que je m'étais installé dans la vie à deux mais maintenant il n'y avait plus de vie à deux. J'avais comme le droit de le voir. C'était un copain de lycée avec qui j'avais fait quelques semestres de fac de droit avant que lui ou moi se casse ailleurs, je sais plus trop. C'était mon bon copain, le copain des 400 coups comme disait ma mère. On matait les filles dans les vestiaires et on rêvait d'organiser des concours de tee-shirts mouillés cachés dans le recoin d'un bar sordide au fin fond de la campagne, seul endroit où on nous servait de l'alcool malgré nos lunettes de demeurés, nos boutons sur le visage et nos appareils dentaires. On s'est embelli à la fac, tout le monde embellit à la fac. On avait les dents blanches, des muscles, une barbe pour cacher les boutons, des cheveux propres et brillants. Moi j'ai rencontré Carolina, lui il a rencontré Amélie, Joséphine, Stéphanie, Laura, Philomène, Johanne, Clémence, Florence, Nicole et après Carolina m'a dit que c'était pas un mec bien, qu'il avait une mauvaise influence sur moi, que c'était elle ou lui. A l'époque j'avais l'impression d'être amoureux. Je lui ai expliqué gentiment que sa disparition sauverait mon couple, il a rit en me regardant avec ce petit air de mec fier de sa bite et de son tableau de chasse, cette phrase plus clichée qu'un épisode de Plus Belle la Vie dans le regard: "c'est toi qu'on d'vrait sauvé, mec.". Il y avait même ce détail argotique dans ses yeux. Il savait bien que je voulais qu'on reste copains alors il m'envoyait des cartes postales quand il allait dans des endroits de rêve, des photos de fesses quand c'était mon anniversaire. Le truc qui m'angoissait un peu c'était que c'était des photos amateurs. Carolina s'est mise à lire mon courrier, à y répondre, je venais de lui proposer d'habiter avec moi.
Quelques semaines après le départ de Carolina, ma mère est venue me voir avec un paquet en papier kraft, elle avait reconnu l'écriture, je l'ai reconnu aussi. On a pris le thé, elle m'a parlé de des voisins, de ma soeur, du chien, de sa cystite, de mon père, de rien. Quand elle est partie, je me suis jeté sur le papier kraft à petits pas, à la fois ravi et méga flippé. C'était une revue cochon, 2001, sa préférée, j'ai pas vraiment osé la toucher. Dessus, il y avait écrit en gros: "VIENS ON FETE CA" avec un numéro de téléphone. On était encore amis sur Facebook et Carolina m'avait rageusement supprimé de ses contacts. Il avait toujours la même voix, cette voix de mec fier de sa bite et son tableau de chasse avec dans les intonations cette phrase plus clichée qu'une épisode d'Amicalement Votre: "La cavalerie est arrivée". Il m'a donné rendez-vous dans un bar quelque part dans un quartier que je connaissais pas. Ca sentait le bar à putes, le bar à drague et moi j'étais célibataire. Quand il est arrivé, il avait la même dégaine d'étudiant. Il s'était foutu de ma gueule avec mon look veste noir, jean bien coupé et chemise saumon. J'avais grandi. Pour lui j'avais vieilli. Il nous a commandé des cocktails que j'avais plus bu depuis la fac et il m'a forcé à boire, boire. Boire jusqu'à ce que je vomisse Carolina sur ma chemise rose. Du coup je l'ai enlevée au moment où il a enlevé son tee-shirt des Beatles en me marrant avec un rire gras, un rire d'ado prépubère qui boit ses premiers bières avec un peu de bouc et des pustules blanches dedans. Quand il a voulu que je le rejoigne sur le comptoir, j'avais ni assez de vomi ni assez d'équilibre pour y arriver alors je l'ai laissé se foutre à poil et je me suis mis à regarder les filles. Entre les trois pétasses brunes qui se dandinaient en short autour de lui et les cougars en mal d'amour avec leurs décolletés jusqu'aux genoux, il y avait une juste à mon goût. Une de ces filles sur qui on avait envie de tout lâcher sur les cheveux dans les toilettes en oubliant son prénom. Ses grandes extensions blondes sur un reste de touffe décolorée, ses gros sourcils bruns redessinés cent fois, ses talons de douze et ses petits seins ramenés en push-up bancal jusqu'à son menton, j'en explosait mon jean trop bien coupé. On se regardait, yeux à fesses, j'ai rincé ma bouche pour faire passer le vomi, j'ai piqué le tee-shirt Beatles et je lui ai attrapé le bras en laissant une phrase de drague que j'avais entendu quelque part au Macumba Club de Bretagne dans lequel on avait fêté les trente ans de ma cousine. Elle m'a fouetté le visage avec ses extensions et ses créoles jusqu'aux épaules.  C'était Carolina. 

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